Amazon Prime Air prepares for drone deliveries

Le géant du commerce en ligne a annoncé qu’il commencerait les livraisons par drone cette année dans la ville de Lockeford en Californie.

Simple test ou modèle des livraisons de demain ?

Atlantico : Alors que certains s’attendaient à ce qu’Amazon abandonne son projet de livraison par drones, l’entreprise d’e-commerce a annoncé vouloir déployer un pilote d’ici la fin de l’année dans la ville de Lockeford, en Californie. Le programme avait été annoncé en 2013 par Jeff Bezos, qu’est ce qui explique que le projet ait mis 10 ans à voir un premier test à échelle de villes ?


Mariane Renaux : C’est une excellente nouvelle pour le développement des drones utilisés dans le cadre de la logistique. Amazon avait déjà réalisé une démonstration à Cambridge, Grande Bretagne, en décembre 2016.

Actuellement, AMAZON Prime Air travaille toujours avec la FAA (Federal Aviation Administration) , et les autorités locales, pour obtenir l’autorisation d’opérer leur drone, à des fins d’expérimentation et d’évaluation de l’acceptabilité sociétale à Lockeford.


Par ailleurs, la ville dont nous parlons, Lockeford, est une ville de taille modeste, elle a une population d’environ 4000 habitants. Ce n’est pas une ville densément peuplée. Ce qui limite les exigences de sécurité applicables pour la conception du drone utilisé.


Amazon a voulu développer son propre drone. Il a donc endossé le rôle de constructeur et pas seulement d’exploitant.
La durée de développement d’un drone, c’est-à-dire, la conception, la fabrication, les essais de mise au point et l’autorisation d’exploitation dépend du type de drone que l’on développe, son concept d’emploi et les exigences de sécurité associées.


De façon générale, dans les projets de livraisons par drones, pour que les projets aboutissent, il faut impérativement tenir compte de certains critères : ce que l’on transporte, les conditions associées, comme la température, le volume, la masse, la distance à parcourir, la dangerosité du colis transporté, matières dangereuses type échantillons sanguins, par ex, le plan de vol et la densité de population survolée.


Le développement du drone d’Amazon Prime Air a connu des difficultés, et a priori, des problèmes de sécurité…Ce qui expliquerait les 10 ans de développement.


Les drones d’Amazon seront opérés en BVLOS ( Beyong Line of Sight), c’est-à-dire hors vue du pilote, et doivent donc être équipés de fonction de « detect and avoid », « détecter et éviter ».
Cette fonction doit être activée pendant la phase de transit, ce qui est classique en BVLOS, mais aussi à proximité du sol. En effet, livrer dans un jardin, comme l’annonce Amazon, ajoute de la complexité. Un drone, c’est de l’aéronautique, comme pour le développement d’un avion, il est essentiel de tirer les leçons de chaque essai et de suivre un programme d’essais clairement défini et approuvé.

Quand la direction demande d’aller plus vite, ce qui semble avoir été le cas pour Amazon, on prend des risques et les « short cuts » en aéronautique, coutent souvent très chers à l’arrivée… en temps et en argent…


Quand on se lance, on a un concept d’emploi auquel s’ajoutent les risques associés. En fonction de là où Amazon décide de livrer, il y aura des réglementations différentes, des exigences à remplir, pour la construction comme pour l’exploitation. Les difficultés rencontrées, en termes de crash notamment, sont dues aux difficultés à répondre aux exigences demandées par la réglementation.


Atlantico: Dans quelles mesures les livraisons par drones existent-elles déjà ?

Mariane Renaux : Les livraisons par drone, surtout dans le domaine médical, ont vu apparaître des « game changers ». Des zones difficiles d’accès ont pu être desservies grâce aux drones, et l’accès aux soins de certaines populations a été développé. Ces missions ont justifié l’appellation « drone for good ».


Zipline, constructeur, associé à Walmart, fait déjà de la livraison par drone aux Etats Unis, en Arkansas pour des colis jusqu’à 1.8kg et une distance de 75km. Les drones de Zipline, ont parcouru plus de 36 millions de kilomètres en livrant essentiellement du sang et des vaccins en Afrique.


Wingcopter, constructeur, acteur majeur au Malawi et au Vanuatu, s’est associé aux Etats Unis à Spright ( opérateur aéronautique depuis plus de 35 ans) et à 2 acteurs médicaux, toujours aux Etats Unis.


Wing Aviation (Alphabet- Google) est un constructeur reconnu qui multiplie les expérimentations aux Etats Unis. Et enfin il n’est pas possible de ne pas évoquer Manna Drone Delivery en Irlande. Il est essentiel de bien se rappeler qu’il faut une adéquation du drone avec son concept d’emploi. Les contraintes de conception, de production, de maintenance, d’organisation interne, à la fois pour le constructeur et pour l’exploitant, seront plus ou moins importantes en fonction du niveau de risques des opérations.


Atlantico : Pouvons nous penser que ce lancement par Amazon pourrait être le début d’une nouvelle ère de livraison à grande échelle? Ou ce projet va t’il rester à l’état de prototype ?

Mariane Renaux : Pour que la livraison par drone se développe, il faut qu’elle soit rentable, au regard d’autres modes de transport. Ou que la cause soit « éthique », à savoir qu’il n’existe pas d’autres moyens capables de remplir un service essentiel, et que quelqu’un, un Etat, Une Organisation, soit prêt à payer pour ce service. Il ya clairement des scénarios de livraison par drone qui correspondent à ces critères.


Néanmoins, derrière les opérations de communications, il est important de se projeter sur le business model : plus le niveau de risques des opérations sera élevé, plus les contraintes sur le drone lui-même, le constructeur, l’exploitant seront fortes. Plus le cout de la livraison sera élevé. Plus la rentabilité sera questionnable.


C’est aujourd’hui le plus gros problème du secteur. Les drones présentés à la presse le sont parfois dans le cadre de scénarios de démonstration, sans aucune réalité opérationnelle équivalente. L’objectif est souvent pour faire connaitre le constructeur, attirer des investisseurs…mais le scale-up des opérations sera alors dans des secteurs différents de ce qui est annoncé.


La réglementation est maintenant en place pour ces opérations de livraison, ou le sera très vite. Le niveau de risques des opérations, de la livraison, détermine le type de drone qui pourra être utilisé pour ces missions. Il y a un monde entre le drone qui survolera une ville densément peuplée, et le drone qui livrera un petit colis à quelques kilomètres en campagne…
On observe une certaine convergence des exigences mises en place par les Agences en charge de la réglementation, en Europe, aux Etats Unis, en Asie. La technologie n’est pas un blocage.
Les enjeux sont ceux du business et de l’acceptabilité sociétale. La sécurité des opérations, les nuisances sonores, les impacts négatifs sur l’environnement, sur la faune, l’intégration des infrastructures au sol seront des freins potentiels au développement, avec la rentabilité.


En conclusion, l’annonce de ces expérimentations est positive. Le retour d’expérience d’une société comme Amazon, à l’échelle d’une petite ville, pour des livraisons dans les jardins, sera intéressant. L’erreur serait d’en déduire que la livraison par drone va se généraliser, et notamment en ville. Ce n’est d’ailleurs pas ce que dit Amazon, pour qui la rentabilité des opérations, et l’acceptabilité de ses client, seront forcément prises en compte.